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Rencontre avec l’esprit de Margaret Thatcher (par Dr. Laffer, le Père de l’Économie de l’Offre)



Le Dr. Laffer nous parle de Margaret Thatcher, Première ministre britannique, qui fut aussi une vieille connaissance personnelle, des réductions d'impôts et de ses qualités de femme politique.


Journaliste chargé de l’interview : Hanako Cho


Cho : Vous avez permis de compenser le fossé qui séparait Mme Thatcher de M. Reagan.


Dr. Laffer : Mon parrain et Justin Dart, qui faisait alors partie du personnel de la cuisine de Reagan, avait un appartement à Londres. Il avait accompagné Ronald Reagan en Grande-Bretagne de la Californie, et à son arrivée, Reagan a organisé une fête à Londres. Margaret Thatcher y était aussi et c'était la première fois qu’ils se rencontraient. Reagan a déclaré plus tard qu'il n’avait pas souvenir de l'avoir rencontrée là, mais c'était la première fois qu'ils se rencontraient, avec certitude.

Il m'en a parlé en ces termes : « Tu sais, Arthur, j'ai déjà rencontré Margaret Thatcher. Tu te souviens de ton parrain, Justin Dart, et de son appartement à Londres ? J’y suis allé à une fête, où elle était. Mais je ne me souviens pas l'y avoir rencontrée. Il y avait tant de monde et je n’ai pas de souvenir d'elle à cette époque. C'était pourtant la première fois où j’ai dû la rencontrer.

Reagan a déclaré par la suite que leur véritable première rencontre remontait au G7 d’Ottawa, au Canada. Voici à présent l'histoire de ce G7. Tout le monde s'y appelait par son prénom, et Reagan y est arrivé avec un peu de retard. Comme la réunion avait déjà commencé, il a regardé les six autres personnes déjà assises en entrant. Il a alors dit : « Salut tout le monde. C’est moi Ronnie », en levant la main à hauteur des épaules. Je ne sais pas si vous voyez l'humour du président des États-Unis qui se fait appeler Ronnie, mais c’est bien ce qu’il a dit.

Il m’a également dit : « Arthur, tu ne le croirais pas. Ce Pierre Trudeau », alors Premier ministre du Canada, « Ce Pierre s’est montré si impoli à l’égard de Margaret Thatcher. Il lui disait des choses très désagréables. C'était ma première rencontre avec eux. J’étais le petit nouveau du quartier. Je ne connaissais pas les règles, mais cela m'avait vraiment mis en colère de l'entendre dire tout ça au sujet de Margaret Thatcher. Je me suis retenu, mais j'étais furieux. Je n'ai rien dit et nous avons pris une pause-café. Je me suis installé à côté de Margaret Thatcher et j'ai dit : « Vous savez quoi, Margaret ? J'ai entendu ce Pierre parler à votre sujet, et j'ai trouvé son impolitesse insolente, ce qui m'a mis en colère. Je voulais juste vous dire que je voulais dire quelque chose, mais que je me suis senti trop nouveau dans ce quartier, dont je ne connais pas les règles.

Et elle m'a juste regardé en disant : « Oh Ronnie, que cela ne te dérange pas. Nous, les filles, nous avons l’habitude de voir les garçons se comporter comme des garçons ».

Lorsque Ronald Reagan m'a raconté cette histoire, un de mes amis l'avait filmé. J'ai donc récupéré cette vidéo de Reagan me racontant la première fois où il avait rencontré Lady Thatcher. Plus tard je me suis trouvé à dîner avec Margaret Thatcher à New York, au Club 21 avec un tout petit groupe d'amis. J'ai donc décidé de la surprendre.

J'avais installé un petit écran dans une pièce privée, avec cette vidéo de Reagan me racontant sa première rencontre avec Margaret Thatcher et cette histoire que je viens de vous raconter. J'ai passé cette vidéo à l'écran pour Lady Thatcher, qui s'est alors mise à pleurer en s’exclamant : « Oh, c'est tellement beau. » C'était tellement mignon. C'était une femme si charmante. Je voulais que mes amis sachent qui était Lady Thatcher de même que je voulais qu'ils sachent qui était Ronald Reagan. La personne que je connaissais n'était pas le président des États-Unis que l’on voit à la télévision.

À ce dîner, l’ambiance était très pontifiante : « Voici Lady Thatcher, la Première ministre de... » et c'était aussi ennuyeux que fâcheux. Aussi, à l'heure du cocktail, j'ai installé deux chaises à la réception avant le dîner, et je l'ai faite asseoir sur l'une des chaises. Je conduisais ensuite chacun des invités à s'asseoir auprès d’elle, pour qu’ils se retrouvent tous les deux. Je m'éloignais alors pour qu’ils puissent discuter pendant quelques minutes et faire redescendre toute cette agitation. Ce qui a très bien fonctionné.

Alors je me suis approché d'elle en lui disant : « Lady Thatcher, avez-vous remarqué cet homme là-bas ? » « Eh bien, oui. Qui est-il ? » J'ai ajouté : « Vous savez, c’est moi qui l'ai amené ici ». Elle me répond : « Oui, j'ai eu une conversation très agréable avec lui, il est très gentil. Où essayez-vous d'en venir ? » Je dis alors : « Eh bien, Lady Thatcher, alors qu'il venait s'asseoir auprès de vous, il a retiré son alliance ». Elle s’esclaffe alors : « Oh non ». C'était juste une fille. Et c'était tellement amusant de voir tous ces gens se comporter comme de vrais humains. Lady Thatcher était la personne la plus merveilleuse que vous ayez jamais pu voir.



Les deux réalisations de Margaret Thatcher


Cho : D’après vous, qu’est-ce que Mrs. Thatcher a réalisé de mieux dans le domaine économique ?


Dr. Laffer : Elle en a fait beaucoup, mais deux initiatives se démarquent vraiment. La première a été la création d’un mouvement politique et économique très fort avec le soutien de Keith Joseph, qui consistait à privatiser les industries nationalisées du Royaume-Uni. Elle a privatisé tour à tour le charbon, le fer, les chemins de fer et toutes ces industries. C'était très impopulaire à l'époque et elle a fait face à de multiples grèves, mais cette petite fille à la voix fluette et haute était capable de résister à toutes les attaques des hommes britanniques et de faire ce qu'il fallait. C'était incroyable ce qui s'est passé.

La deuxième chose qu'elle a faite, ce sont les réductions d'impôt. Elle a réduit les taux d'imposition les plus élevés en Grande-Bretagne, de 98% à 40%. Elle était tout simplement incroyable dans ce rôle, et lorsqu’elle l'a entrepris, vous pouviez voir un changement en Grande-Bretagne du jour au lendemain.

Ce sont les deux choses dont je me souviens toujours à propos de Margaret Thatcher. Je suis toujours consterné au plus haut point, par ce qu’elle est parvenu à faire.



La politique monétaire qui a conduit à la chute de Margaret Thatcher


Dr. Laffer : Mais elle s'est contentée d’aligner la livre sterling sur le mark allemand et c'est ce qui a provoqué une forte inflation. Le gouvernement britannique pensait alors qu'empêcher une appréciation de la livre maintiendrait la compétitivité des produits britanniques.

(Pour mémoire : les marchandises et les matières premières peuvent être importées à moindre coût avec une appréciation de la Livre britannique, qui permet d'absorber la pression inflationniste.)

Malheureusement, rien n'était moins vrai. Les produits britanniques devaient perdre en compétitivité pour permettre aux capitaux d'entrer au Royaume-Uni et d'y accroitre la productivité. Si l'offre avait augmenté en même temps que la demande, il n’y aurait jamais eu d'inflation.

Comme le montre un graphique, l'inflation britannique est passée d'un peu moins de 4 % par an au début de 1988 à bien plus de 10 % à la fin des années 1990, emportant avec elle l'un des meilleurs gouvernements que le Royaume-Uni n’ait jamais connu.

C'est exactement la même erreur que l'Irlande a commise en procédant à de super réductions d'impôts. Rattachée à l’Euro, sa monnaie ne pouvait naturellement pas s'apprécier.

Ce qui nous est arrivé aux États-Unis lorsque nous avons effectué de grandes réductions d'impôts, c'est que le dollar s'est apprécié d’un coup de près de 80 %. C'est ce qui a fait que nous n'avons jamais connu d'inflation. Si nous n'avions procédé qu’à des réductions d'impôts en maintenant le taux de change fixe, nous aurions également eu une inflation à deux chiffres.

Mais cela ne s’est pas produit grâce au taux de change qui a absorbé les pressions inflationnistes.

Malheureusement, Alan Walters a insisté pour qu'elle conserve des taux de change fixes.

C'est à ce moment-là que le taux d'inflation a considérablement augmenté en Grande-Bretagne. Ce qui a conduit le taux d'inflation à augmenter considérablement, c'était le rattachement de la Livre au Mark allemand.

C’est pourquoi on ne pouvait absolument pas laisser le taux de change augmenter et faire face à une telle pression inflationniste. Elle est devenue si impopulaire en Grande-Bretagne que c’est ce qui a fait perdre à Margaret Thatcher les élections de novembre 1990.


L'exceptionnelle mise en œuvre de sa politique par Margaret Thatcher et sa remarquable capacité à agir


Cho : Le taux de croissance de l’économie britannique a dépassé les 5% en 1987, et le pays a prospéré sous l'administration de Margaret Thatcher. Quelles qualités politiques lui ont permis d’atteindre ces réalisations ?


Dr. Laffer : Elle avait à peu près autant de principes en politique que n'importe quelle personne que j'ai connue dans ma vie. Précisément, ces traits que je n’aimais pas chez elle à notre première réunion, ils sont devenus son plus grand atout dans les domaines sérieux de son mandat de Premier ministre.

C’est ainsi que j'ai passé beaucoup de temps à ses côtés, à lui expliquer l’intérêt des baisses d'impôts en présence de Nigel Lawson, de Keith Joseph et bien d’autres. Dès que l’image lui en est parue claire, elle l'a mise en œuvre. Elle n'a pas tergiversé comme le feraient la plupart des politiciens. Non. « Alors on le fait maintenant », a-t-elle dit. Quel merveilleux trait d’esprit ! Reagan excellait aussi en la matière, mais pas autant que Margaret Thatcher.

Margaret Thatcher était incroyable. Lorsqu’elle prenait une décision, elle s'y tenait. Et ceux de son parti la détestaient à cause de ça. C'était une petite fille dans le style de Trump. Elle est devenue à la fois populaire et très impopulaire en même temps, tout comme Trump.

Mais elle était mignonne, jolie, intelligente et forte, et c'était une grande dirigeante – elle incarnait toutes ces caractéristiques humaines qui combinées pouvaient faire d’elle une personne aussi merveilleuse. On a cette image de cette chose si petite et féminine, dont les mots sortaient tout d'un coup de manière aussi forte et puissante. Elle a été mon modèle pour toutes mes filles.



Les réductions d'impôt profitent à tous


Cho : Beaucoup de critiques rétorquent que les réductions d'impôts de Margaret Thatcher ont creusé le fossé entre les nantis et les démunis. Comment leur répondez-vous ?


Dr. Laffer : Permettez-moi de commencer par les réductions d'impôts pour les riches. Si vous regardez cela d'un point de vue statique, c'est tout à fait correct. Ce sont autant de réductions d'impôts pour les riches. Mais le monde n'est pas statique. On y réagit aux incitations décidées et les impôts modifient précisément ces incentives.

Si personne ne répondait à ces encouragements et que l’on travaillait tous autant, quel que soit le taux d'imposition qu'à n'importe quel taux d'imposition, alors tous les taux d'imposition seraient de 100 % sur les revenus supérieurs ou égaux au revenu moyen, et toutes les réductions d'impôt s’appliqueraient aux revenus inférieurs à cette moyenne pour une parfaite répartition de cet effort.

En taxant uniquement tous ceux dont le revenu est au-dessus du revenu moyen, et en subventionnant tous ceux dont le revenu est en dessous du revenu moyen, chacun s’en sortirait à parts égales et il n'y aurait aucun revenu.

La raison d’être de toute réduction des impôts tient au changement des comportements qu’elle induit.

Lorsque vous partez du principe que ce comportement ne changera pas et que vous dites : « C'est une réduction d'impôt qui profitera aux riches », l’argument est très stupide. C'est le raisonnement politique de qui ne comprend rien à l'économie. C’est bien pour aider les pauvres et les exclus que vous réduisez les impôts des riches.

Vous réduisez les impôts des riches afin qu'ils gagnent plus de revenus et paient plus d'impôts. C’est alors que vous pouvez réduire les impôts et que la croissance économique profitera aux pauvres, aux minorités, aux exclus, aux jeunes, aux moins éduqués et à tous ceux que vous souhaitez favoriser dans la société.

En mode statique, c'est un peu comme la balle aux prisonniers. Connaissez-vous ce jeu ?


Cho : Oui, j'ai déjà joué à la balle aux prisonniers.


Dr. Laffer: Et bien. Si personne ne bouge dans ce jeu, il vous suffit de lancer la balle sur une personne. Si elle ne bouge pas, vous la touchez et vous gagnez.

Mais en réalité tout le monde bouge. C'est pour cette raison dynamique que vous réduisez les impôts des riches, parce que c'est là que vous obtenez les meilleurs effets.

Chacun dit : « Oh, vous le faites juste pour aider les riches. » Mais ce n’est pas vrai. Vous le faites pour aider tout le monde. Et ceux qui vous critiquent sont trop bêtes pour comprendre la vérité. Vous verrez avec Biden s'il parvient à faire passer ses impôts. Et vous le voyez au Japon.



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