Les revenus sous-déclarés d'un ancien président de Nissan
L’attention considérable que s’est attirée Carlos Ghosn, le président de Nissan Motor Corporation, depuis son arrestation, a ouvert la brèche reléguant au passé l’incident du recrutement au Japon.
En sous-estimant son indemnisation, M. Ghosn a violé la loi japonaise sur les instruments financiers et la loi sur le change. Il a été arrêté en décembre par le bureau du procureur du district de Tokyo.
Depuis mars 2010, le Japon a contraint les entreprises cotées en bourse à publier les noms et les revenus de ceux qui perçoivent 800 000 € (100 millions de yens) ou plus.
Pour s’éviter des critiques sur sa rémunération élevée, M. Ghosn a instauré un mémorandum par lequel il toucherait 8 millions d’euros (1 milliard de yens) de son salaire annuel de 16 millions d’euros (2 milliards de yens) après son départ à la retraite. Il n'a dès lors déclaré qu'un revenu annuel d'environ 8 millions d’euros (1 milliard de yens) dans son rapport annuel sur ses valeurs mobilières.
On soupçonne également que ses filiales à l'étranger lui aient fourni des maisons de luxe achetées pour son compte.
Les élites devraient recevoir des salaires élevés
Même si un revenu annuel de 16 millions d’euros (2 milliard de yens) peut sembler élevé à l’égard d'autres dirigeants japonais, celui-ci reste au même niveau que celui des dirigeants américains. C’est ainsi que le PDG de General Motors reçoit environ 20 millions d’euros (2,5 milliards de yens) par an.
Parmi les sportifs les élites bénéficient également de revenus élevés : le joueur de tennis Kei Nishikori reçoit par exemple près de 30,4 millions d’euros (3,8 milliards de yens) par an et le joueur de baseball Masahiro Tanaka environ 20 millions d’euros (2,5 milliards de yens).
Le Japon a tendance à privilégier des écarts moins importants entre les salaires des élites et ceux du grand public. Il apparait juste cependant que les hommes d'affaires de haut niveau perçoivent des salaires élevés qui reflètent la valeur de leur travail.
M. Ghosn en a-t-il fini avec son travail ?
Pendant ce temps, il est possible que M. Ghosn ait déjà achevé ses fonctions auprès du groupe Nissan.
Soumise à un contrôle syndical accablant, l’entreprise Nissan était au bord de la faillite lorsque le français Renault est intervenu pour lui proposer le rapprochement de leurs capitaux.
M. Ghosn a assumé les fonctions de Directeur des Opérations de Nissan après avoir réussi à remettre sur pied Renault en 1999. En tant que Directeur des Opérations, M. Ghosn a mis en place un régime de réduction des coûts drastique, tout en dépassant les exigences du syndicat et en assurant à Nissan une reprise ultra-rapide.
Dès 2005, M. Ghosn a assumé le rôle de PDG pour Nissan et Renault. Tandis qu’il mettait l’accent sur la centralisation de son autorité et l’expansion de ses entreprises, M. Ghosn voyait son implication diminuer au sein de Nissan, dont il n’était pas en mesure de suivre suffisamment les activités.
Renault est une entreprise à capitaux mixtes, soutenue par le gouvernement français. Son efficacité commerciale insuffisante ne l’autorisait pas à produire des modèles prisés de voitures. L’acquisition de la technologie de Nissan lui a permis d’améliorer ses performances.
Le gouvernement français et Renault souhaitaient voire fusionner les directions de Nissan et de Renault : M. Ghosn progressait aussi sur cette voix.
Nissan fit savoir qu’un rapprochement de capital était tout à fait acceptable, mais rejetait une absorption, trop attachée au maintien de son indépendance. Inquiète de l’intention de Renault, elle aurait poursuivi M. Ghosn pour empêcher cette manœuvre.
Depuis que M. Ghosn a atteint l'objectif principal de la reprise de Nissan, les critiques à son égard se sont multipliées et son salaire a pu sembler anormalement élevé.
Le problème posé par sa démission
Il est légitime de se demander si des poursuites étaient nécessaires pour autant. Le conseil d'administration avait la possibilité de démettre M. Ghosn et ses dirigeants de leurs fonctions. Ils ont en réalité contraint les médias à diffuser des informations démesurées sur l’arrestation de Ghosn, attisant le rejet du public pour le pousser à la démission.
Il est également peu habituel que des procureurs arrêtent quelqu'un pour la sous-estimation de sa rémunération, la loi s'appliquant principalement aux comptes frauduleux de grande valeur. Les procureurs ne peuvent même réprimer ces derniers. Même lorsqu’il a été révélé en 2015 que Toshiba avait capitalisé 1,6 milliards d’euros (200 milliards de yens), le procureur n'avait pas agi et la direction n'a pas été arrêtée pour autant.
Ainsi l’arrestation et la détention de M. Ghosn par la justice japonaise pour un « crime » aussi mineur peuvent sembler anormales aux ressortissants de pays étrangers. Il se peut même que des dirigeants étrangers évitent de travailler au Japon à l'avenir.
Les réponses apportées par Nissan et les procureurs à cette situation ont porté atteinte à « l’esprit du capitalisme » qui prescrit que ceux qui réussissent gagnent une rémunération à la hauteur de leurs réalisations.
The Liberty Web, 27 décembre 2018
Source: http://eng.the-liberty.com/2018/7395/