Une interview conduit par M. Gordon Chang
The Liberty est extrêmement honoré d'interviewer Gordon G. Chang, un visionnaire brillant de l'hégémonie chinoise, ses objectifs et la succession de ses malheurs économiques. Reconnu par ailleurs pour son analyse de la politique de l'administration Trump envers la Chine, des relations de la Chine avec la Corée du Nord et de leur impact sur la région, de la menace qu’elle fait peser sur Taiwan, et de la pression croissante exercée sur l'administration Abe et le Japon conduit à réviser sa Constitution et à prendre une position de leadership plus affirmé, non seulement en Asie, mais aussi dans son partenariat avec les États-Unis. Une fois n’est pas coutume cet auteur, conférencier, académicien et expert talentueux clarifie des questions complexes, dans l’espoir surtout d'un avenir pour la démocratie et la liberté.
A propos de Gordon G. Chang : il est l'auteur de The Coming Collapse of China (La Chute annoncée de la Chine) et Nuclear Showdown : North Korea Takes on the World (Confrontation nucléaire : la Corée du Nord s’empare du monde), aux éditions Random House. Ses ouvrages ont été publiés dans le New York Times, le Wall Street Journal, Barron, The National Interest, The Weekly Standard et National Review entre autres publications. Il a donné des conférences au National Intelligence Council, à la CIA, au Département d'Etat et au Pentagone. Il a pris la parole au Département des Relations Extérieures, auprès de la Fondation The Heritage, de la Brookings Institution, de Bloomberg, de Sanford Bernstein, de la Royal Bank of Scotland, du Crédit Lyonnais Securities Asia et de bien d'autres institutions. Chang est apparu sur les chaînes CNN, Fox News, Fox Business Network, CNBC, PBS et la télévision privée Bloomberg. Il est fréquemment invité en tant que co-animateur de l’émission John Batchelor Show. Il a témoigné devant le Comité des affaires étrangères de la Chambre des représentants et la Commission de contrôle économique et de sécurité des États-Unis et de la Chine. Il est également chroniqueur au Daily Beast.
Cette interview a été réalisée sur la Chaîne d'affaires publiques par câble Japan CPAC, le 15 décembre 2017 à Tokyo par le journaliste Jiro Ayaori, de Hanako Cho.
La politique conduite par le président Trump vis-à-vis de la Chine évoluera-t-elle après le règlement de la question de la Corée du Nord ?
Journaliste : Juste après sa prise de fonctions, Trump s’était lancé dans une offensive contre la Chine en matière de commerce. Pour autant, l'administration Trump semble avoir ménagé ses relations avec la Chine en raison de la question nord-coréenne. Pensez-vous que cette position de Trump est temporaire ou qu’elle va perdurer au-delà de la question nord-coréenne ?
Gordon Chang : Eh bien, jusqu’ici le président Trump n'a pas eu de politique spécifique pour la Chine. Il a eu une politique pour la Corée du Nord. Sa politique consiste à désarmer la Corée du Nord. Et tant qu’il pensait que la Chine l'aiderait, il s’est montré indulgent envers la Chine. Lorsqu’il s’est mis à penser que la Chine ne l'aiderait pas, ou traînerait des pieds, il s’est montré plus difficile envers la Chine. Il en a été ainsi, par exemple, au lendemain de la réunion de Mar-a-Lago qui se tenait au début avril 2017. Il pensait alors que la Chine pourrait réellement lui venir en aide. C’est pourquoi vous l’avez entendu dire des choses très favorables à Pékin, et ménager sa politique commerciale à l’égard de la Chine. Mais dans son tweet du 20 juin, il exprime clairement sa déception face au président Xi Jinping, et sa crainte que la Chine ne collabore pas. C’est alors que vous avez pu observer beaucoup de mesures prises par les États-Unis afin de saper la position de la Chine. C’est ainsi que la Banque du Dandong a été désignée le 29 juin dernier comme principal blanchisseur d'argent. Le Département d'État a ensuite laissé choir la Chine au niveau le plus bas de son rapport annuel sur les traites humaines. Vous avez vu Trump informer le Congrès de ventes d'armes à Taiwan. Le Premier ministre indien Narendra Modi a également reçu un accueil particulièrement chaleureux. Tout cela s’est produit à huit jours d'intervalle, témoignant d’un changement de position de Trump à l'égard de la Chine. Il n'avait pas une politique arrêtée pour la Chine, mais une politique de revanche : « vous ne m'aidez pas en Corée du Nord, alors je vais vous rendre la vie difficile ».
Comme je l'ai mentionné, il avait bien une politique nord-coréenne. Sa stratégie de sécurité nationale sera peut-être publiée demain et on dira qu'elle proposait une politique globale pour la Chine. Trump a sans doute décidé que la Chine ne l'aiderait pas en Corée du Nord et ne coopérait pas en matière de commerce. C’est pourquoi, au-delà de la déception qu’il vient d'exprimer, il se contente de dire : « J'en ai fini avec tout ça ».
China as a Strategic Competitor; A Historic Look at Past Policy; Trump’s Big Push for Change
Journaliste : Pensez-vous que le fait que Trump décide de considérer la Chine comme un concurrent stratégique en matière de sécurité nationale constitue un grand pas en avant ?
Gordon Chang : C'est un très grand pas en avant, parce que si vous revenez à Nixon, sa politique consistait à tenter d'obtenir de la Chine sa coopération au cours de la guerre froide. Il évoquait une amitié à long terme entre l'Amérique et la Chine, avant que l'administration Clinton n’essaye de recourir au commerce pour faire entrer la Chine dans la communauté des nations. Tout cela vient d'échouer. Et il aurait dû être clair pour l'administration Bush et plus encore pour l'administration Obama que la Chine n'allait pas satisfaire ces espoirs. Il y a donc beaucoup de tout cela. C’est comme un retour en arrière : « Nous ne voulons pas nous mêler de tout cela » disait-on à Washington. Et Trump a juste déclaré : « Mais voyez, c'est ridicule : nous devons faire quelque chose ». Et il aura fallu attendre longtemps : Cela aurait dû être fait il y a dix ans, mais les États-Unis sont en train de réagir. Les Chinois n’ont fait que pousser le bouchon trop loin et maintenant cela va devenir très difficile pour eux, parce que la Chine vient d’être reconnue comme un adversaire, que la Chine veut blesser les États-Unis et qu’il est très délicat de redresser cette attitude. Les Chinois vont avoir beaucoup de travail, pour tenter de raccommoder leurs relations avec les États-Unis. Je ne pense pas que ce soit possible.
Kissinger et le G2
Journaliste : Henry Kissinger donnerait apparemment des conseils sur les affaires étrangères au président Trump. Kissinger semble croire qu’un G2 entre les États-Unis et la Chine parvienne à créer de la stabilité. Pourtant, le concept même de G2 entraîne en réalité l'expansion de l'hégémonie de la Chine et celle de son territoire qui ne permettent pas à la liberté de prospérer. Que pensez-vous que Trump ait besoin d'apprendre pour surmonter ce conseil de Kissinger ?
Le conseil donné par Kissinger à Trump est erroné
Gordon Chang : Ce sujet m'inquiète parce que je pense que Kissinger a mal évalué la Chine ou, pire, que Kissinger essaie de poursuivre des intérêts commerciaux étroits au détriment de ceux des États-Unis. Je ne sais pas de quelle nature il était -je n'étais pas à la réunion bien sûr- mais je pense que le conseil donné par Kissinger à Trump était certainement complètement erroné. Trump a écouté Kissinger, comme il a écouté beaucoup de gens, avant de décider qu'il devait modifier sa politique.
L'impact et l'opportunité du ralentissement économique en Chine
Journaliste : La croissance de l'économie chinoise a considérablement ralenti depuis l'effondrement de la bulle boursière en 2015. Cette réduction de la croissance entraînera-t-elle la chute du régime communiste ? Que devrions-nous faire pour profiter de cette occasion pour provoquer la chute du Parti Communiste Chinois ?
Gordon Chang : Eh bien, la politique américaine ne consiste pas à promouvoir le changement de régime à Beijing, mais ce que les États-Unis s’apprêtent à faire pourrait bien y conduire. C’est ainsi que l'enquête conduite par la Section 301, à l’initiative du représentant américain Robert Lighthizer, pourrait aboutir à l'imposition de mesures extraordinaires susceptibles de nuire gravement à l'économie chinoise. Tout dépend bien sûr du résultat, mais s'ils recommandent des taxes élevés, cela pourrait nuire gravement à la Chine du fait qu’elle dépend de ses exportations de marchandises, en particulier de celles destinées au marché américain. Et si ces taxes sont suffisamment élevées, cela pourrait très bien signifier que la Chine ne serait plus capable d’exporter de manière concurrentielle. Nous ne connaissons pas vraiment le résultat de l'enquête 301, mais ce ne sera pas une bonne nouvelle pour la Chine. Quoi qu'il en soit, ça ne sera pas une bonne nouvelle.
L'enquête 301 crée des inquiétudes en Chine
Journaliste : Quand s’appliquera-t-elle à la Chine ?
Gordon Chang : Vous savez, une « enquête 301 » peut s’étaler sur une année. On parle de six mois au moins, mais un an serait plus réaliste. Ils ont commencé au milieu de l'été 2017, on peut donc s’attendre à en voir le résultat après le début de cette année, en 2018. Peut-être dès cet hiver, au printemps ou en été, mais ce sera bientôt parce qu'il est clair que les Chinois se sont attaqués aux transferts de technologie de manière prédatrice, ce qui ne sera donc pas une grande révélation. L'enquête va montrer ce comportement prédateur de la Chine mercantiliste, c'est un fait. Et la seule question restante consiste à savoir quel type de sanctions l'administration va appliquer. Pékin fait campagne depuis longtemps contre cette enquête 301, ce qui en dit long sur leur inquiétude du moment.
Le Japon joue un rôle plus actif pour sa propre défense : une pression croissante
Journaliste : Selon nos informations, l'un des proches collaborateurs du président Trump affirmait qu’à chaque fois qu’il rencontrait le Premier ministre Abe, le président Trump demandait au Japon de réviser l'article 9 de sa constitution, de se doter d'armes nucléaires et de porte-avions. Que pensez-vous de la capacité militaire croissante du Japon ?
Gordon Chang : Eh bien, je ne sais pas ce que le président Trump a dit au Premier ministre Abe, mais bien avant Trump la politique américaine a été en faveur d’un rôle plus actif exercé par le Japon pour sa propre défense, que l’on souhaitait voir coopérer plus fermement avec les États-Unis et ses partenaires. Cela remonte à des décennies, avant l'administration Obama, avant l'administration Bush. Donc, cela est déjà en place. La question reste celle du rythme du réarmement du Japon, qui est vraiment au cœur de notre discussion. Ce ne sont pas seulement les États-Unis, mais aussi l'Inde et le Vietnam, et bien d'autres pays qui souhaitent que le Japon joue un rôle plus fort pour sa sécurité. Cela va donc se produire. Et cela ne dépend pas que de Shinzo Abe en tant que Premier ministre. Celui qui sera premier ministre du Japon subira la même pression, afin de renforcer les forces d'autodéfense de son pays.
Les taux de croissance de la Chine s’effondrent
Journaliste : En ce qui concerne le ralentissement économique de la Chine, vous avez dit dans votre discours que l'économie chinoise croît actuellement au rythme de 1,2 %.
Gordon Chang : Il y a quelques mois, la Banque mondiale a publié un tableau. Elle ne vous a pas donné le taux de croissance, mais livré quelques chiffres. C’est en appliquant les lois d'arithmétique les plus simples que vous pouvez comprendre que la Banque mondiale avait estimé à 1,2 % en 2016, la croissance de l'économie chinoise. C'est beaucoup plus réaliste que les 6,7 % rapportés par le Bureau national des statistiques la même année. Il devient dès lors clair que l'économie ne croît que très, très lentement. Et -plus important que le taux de croissance de la Chine- il est tout aussi clair que la Chine accumule de la dette à un rythme très rapide. La dette accumulée par la Chine augmente grosso modo au rythme de 20 %. Si votre économie augmente de 1,2 %, cela signifie que vous accumulez des dettes 15 fois plus vite que vous ne créez de produit intérieur brut. Cela ne peut pas durer très longtemps.
L'effet économique délétère de la dette et des pratiques commerciales prédatrices de la Chine
Journaliste : En ce qui concerne le programme « La Ceinture et la Route » ("One Belt One Road"), beaucoup d’observateurs occidentaux ne comprennent toujours pas le grave danger que ce plan peut entraîner dans le futur. Exerce-t-il un effet keynésien sur la Chine ?
Gordon Chang : « La Ceinture et la Route (la nouvelle route de la soie) » pourrait avoir un effet positif pour la Chine pendant quelques décennies. Cela ne résoudrait pas pour autant le problème numéro un de la Chine aujourd'hui. Encore une fois, la Chine qui gagne là beaucoup d'argent, entrainant une croissance de ses achats. Ça ne marche pas. Ils n'ont pas assez d'argent pour y arriver. Ils n'ont pas la capacité d'accumuler plus de dettes. Je me suis trompé sur le moment où cette économie échouerait, mais cela viendra assez rapidement parce que la Chine ne peut pas y arriver. Elle accumule beaucoup trop de dettes et ne crée pas de croissance suffisante. Elle ne réforme pas son économie. En fait, Xi Jinping fait tout le contraire d’une réforme. Il ferme l'économie, il adopte des politiques régressives, des pratiques commerciales de plus en plus prédatrices. La Chine reprend déjà de grandes entreprises d'État pour en refaire des monopoles formels. Elle augmente les subventions de l'État. Elle ferme son économie au reste du monde. Elle peut le faire cela pendant un petit moment, mais pas très longtemps. Et tout cela se produit en même temps qu'elle se lance dans des dettes à un rythme accéléré. Cette accumulation de dettes est sans précédent. Alors oui, elle peut s'en tirer un court instant, mais pas très longtemps. Elle peut reporter une crise comme elle l’a fait depuis longtemps. Elle ne peut toutefois pas abroger les lois de l'économie. C’est ce qu’ils n’ont pas encore compris à Beijing.
Démystifier l'objectif chinois de devenir l'économie n ° 1
Journaliste : Voulez-vous dire que l'objectif de Xi Jiping, qui consiste à devenir le numéro un de l'économie mondiale d'ici 2035 n’est pas réalisable ?
Gordon Chang : Non, ce n'est pas concevable. Ce n'est certainement pas faisable en vous y prenant comme il le fait. Je veux dire ici que ce qu'il se tue à faire, c'est de conduire le Japon au rang de deuxième économie mondiale. Il y travaille très dur. Vous devriez l’en remercier. Chaque fois que vous l’apercevez, dites lui merci, merci, merci d'améliorer le classement du Japon parmi les principales économies mondiales. Cela revient à refaire du Japon le numéro deux mondial.
Le dilemme de la Corée du Nord
Journaliste : En ce qui concerne la Corée du Nord, il est tout à fait envisageable que l'armée américaine passe bientôt à l’attaque. Si cela se produisait, l'armée populaire chinoise y enverrait aussi des troupes. Comment percevez-vous le développement récent de la Corée du Nord ?
Gordon Chang : Il y’ a là un gros impondérable. Je ne pense pas qu'il y ait de guerre en raison des effets catastrophiques que cela engendrerait. En outre, nombreux sont ceux qui disent à Washington : « Oh, vous savez, en cas de guerre, cela fera des morts là-bas ». Il s’agit bien de la péninsule coréenne, pas des États-Unis. Mais vous ne pouvez pas même l’imaginer, car la Chine serait tout à fait en mesure de se joindre à la Corée du Nord. Au début du mois d'août, Global Times avait publié à ce sujet un éditorial qui semblait contenir l'opinion officielle chinoise. Pékin déclarait selon cet éditorial, que si les États-Unis venaient à frapper en premier, la Chine se rapprocherait de la Corée du Nord. Nous devons donc supposer que c'est vrai. Ils nous l'ont déjà dit et ce n'est pas un gros mystère en soi. C'est pourquoi je pense qu’une telle guerre serait mondiale, impliquant non seulement la Corée du Nord mais aussi la Chine. Peut-être même la Russie, qui sait ? Je ne pense donc pas que les États-Unis frappent la Corée du Nord. Ce qui m'inquiète en revanche, c'est que la Corée du Nord ait confiance dans son arsenal, au point de menacer les États-Unis d’une destruction de ses villes. Ils veulent aussi rompre notre alliance militaire avec la Corée du Sud pour extraire nos troupes de la péninsule et mieux intimider ensuite la Corée du Sud. Ils sont capables d’une grosse erreur qui entrainerait une guerre. Cela me semble possible.
Et Taiwan ?
Journaliste : Après la résolution de la question de la Corée du Nord, Taiwan pourrait être le prochain centre d'intérêt de la Chine.
Gordon Chang : Ou Taiwan peut servir de cible en même temps. L'Asie de l'Est semble très volatile en ce moment. Elle semble beaucoup plus en danger que le Moyen-Orient, par exemple. Et l’on pourrait très bien assister à des crises simultanées en Corée et à Taïwan. Il est même plus probable que vous ayez à gérer une crise simultanée que deux crises successives.
La Chine va-t-elle absorber Taiwan ?
Journaliste : Certains experts commencent à affirmer que la Chine s’emparera de Taiwan d'ici 2020.
Gordon Chang : Cela semble plutôt improbable. Je ne pense pas que la Chine ait très envie de déclencher une guerre contre Taïwan. Taiwan ne lui lâcherait rien. Beaucoup d’insulaires ne se considèrent pas comme chinois. L’un après l’autre les sondages indiquent que deux tiers des habitants de l'île se considèrent comme taïwanais et non comme chinois. Ils montrent aussi que seuls cinq, huit ou neuf pour cent estiment n’être que chinois. Le nombre des taïwanais « de souche » a augmenté au fil du temps, ce qui signifie qu’ils peuvent bien aimer la Chine, mais pas au point de considérer qu’ils font partie de la Chine. C’est parce qu'ils s’estiment taïwanais et non chinois. Il en va de même des japonais : ils peuvent aimer la Chine mais ils s’estiment japonais alors pourquoi voudraient-ils que Pékin les dirige ? C'est la même chose. Par conséquent, j'ai tendance à penser que Taiwan ne se soumettra pas volontairement, surtout au vu de ce qui se passait à Hong Kong. Hong Kong nous livre le parfait exemple de la rupture de toutes ses promesses d'autonomie par la Chine. Si la Chine venait à prendre le contrôle de Taiwan, elle devrait donc le faire par la force. Ce n'est pas le cas, car je ne pense pas que la Chine soit prête à accepter les pertes qu’une telle situation entrainerait.
Taiwan s’avère-il trop risqué pour la Chine ?
Journaliste : Comme ils l'ont fait lors du massacre de la Place Tiananmen ?
Gordon Chang : Mais c'est bien pire que ça. De la même manière que les victimes de la péninsule coréenne seraient très, très élevées, les pertes en Chine seraient également très élevées si ce pays se risquait à prendre Taïwan. Et rappelez-vous que même s'il parvenait à conquérir Taiwan, cela pourrait se transformer en guérilla pendant des décennies. Xi Jinping pourrait y voir une bonne idée, mais si votre fils unique était dans l'armée chinoise, vous ne voudriez pas qu’il prenne ce risque. Je ne vois donc aucun réel appétit de la part des Chinois. Ils en parlent tout le temps, mais je ne les crois pas prêts à le faire pour de bon C'est trop risqué pour eux.
Une guerre en mer de Chine méridionale ?
Journaliste : Mais la Chine n’arrête pas de construire des bases militaires en mer de Chine méridionale. Verra-t-on éclater une guerre en mer de Chine méridionale ?
Gordon Chang : En effet il y a de quoi être inquiet sur ce qui se passe en mer de Chine du Sud en raison de l’agressivité montrée par ce pays. Avec très peu de rétorsions jusqu’ici. C’est ce qui conduit les Chinois à penser qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent, mais je ne pense pas que Trump les laisse faire. Avec cette stratégie de sécurité nationale, cela signifiera surtout que les États-Unis accorderont plus de soutien à Taiwan. Je ne vois donc pas de risque de conflit là-bas.
Comprendre la menace chinoise
Journaliste : Très peu d'Occidentaux comprennent vraiment les dangers qui entourent la Chine. Qu’est-ce qui vous a permis de pressentir ce danger depuis le début ?
Gordon Chang : Mais cela n’a aucun intérêt. La question, c’est pourquoi le monde entier a mis autant de temps à saisir ce danger ? Il n’est rien moins qu’évident que Pékin conduit une stratégie expansionniste et se montre très agressif. Et j'ai toujours pensé –il est vrai que j'ai vécu à Shanghai avec ma femme pendant cinq ans- que ce que le régime voulait était clair. Alors on s’interroge : pourquoi aura-t-il fallu autant de temps au monde pour saisir ce que je pense à ce sujet.
D'autres voix ne présentent-elles pas la menace chinoise ?
Journaliste : En raison de votre travail acharné, beaucoup commencent à se rendre compte, surtout aux États-Unis, de la dangerosité du Parti Communiste Chinois, mais peu d'experts s'opposent comme vous au Parti Communiste Chinois.
Gordon Chang : Cela peut vouloir dire que l’on ne m'écoute pas. La plupart des gens ne font que voir ce que la Chine fait. Et la Chine se met en scène. Si elle ne cherchait pas à être considérée comme un adversaire ou un ennemi, elle ne le ferait pas, si ? Je souhaite avoir été convaincant. Je ne le suis pas assez. Pékin parvient à persuader tout le monde du péril qu’il représente, ne nous laissant pas d'autre choix que de nous rendre compte de ce risque.
Les entreprises américaines en Chine
Journaliste : Des entreprises comme Boeing ou Apple continuent de créer des filiales en Chine, ce qui devrait être très bénéfique à la croissance de l'économie chinoise.
Gordon Chang : Apple y détient une chaîne d'approvisionnement, qu’il serait difficile de déplacer. Ce qui entraine beaucoup d'inertie sur place. Et puis c’est extrêmement compliqué pour Apple qui regarde aussi son marché chinois. Il ne voudrait rien entreprendre qui puisse nuire à leur capacité de vente de produits localement. C’est pourquoi ils ont tellement de problèmes. Ils sont pris en otage. Ils ne seront pas la première entreprise à chercher à s’en sortir de manière ingénieuse. Et cela leur fera très mal.
Les profits passent avant les gens
Journaliste : Même des entrepreneurs comme Elon Musk sont prêts à faire quelque chose en Chine.
Gordon Chang : Oh, Elon Musk. Il voit que la Chine veut être leader dans le domaine des véhicules électriques. C’est pourquoi il pense devoir être de la partie. Je pense qu'il se trompe, mais nous verrons bien. Il parie sur sa propre entreprise.
Xi Jinping deviendra-t-il plus agressif après la fin de la présidence de Trump ?
Journaliste : Certains experts estiment que la Chine restera calme pendant toute la présidence du président Trump, mais plus agressive à son terme.
Gordon Chang : Encore faudrait-il que Xi Jinping survive à Trump. Vous devez vous souvenir que des forces poussent, de l'intérieur, la Chine à se montrer agressive, expansionniste, belliqueuse et provocatrice, ce qui appelle une réponse non seulement des États-Unis, mais aussi d'autres pays. Ce que vous décrivez, c'est ce qu'une personne intelligente ferait si elle dirigeait la Chine. Mais ce que vous devez retenir de la Chine, c'est que Xi Jinping n'est peut-être pas intelligent en premier lieu. Mais surtout qu’il peut être conduit à agir à l’encontre des intérêts de la Chine. Juste comme pour Kim Jong Un. Beaucoup l’estiment fou. Je ne le pense pas. Il opère simplement dans un système qui l'oblige à faire des choses atroces. L'attente de Xi a donc bien du sens pour moi, mais cela ne nous laisse pas préjuger qu'il agirait ainsi à l’encontre des intérêts de son propre pays.
Opposition à la provocation chinoise : les États-Unis ont-ils une politique appropriée pour provoquer l'effondrement du régime communiste ?
Journaliste : L'administration Reagan a mené une course aux armements avec l'Union soviétique, qui a provoqué la chute du régime communiste. Pensez-vous que les États-Unis exercent là une stratégie similaire à celle qu’ils ont menée contre l'Union soviétique ?
Gordon Chang : Je ne pense pas que la politique américaine puisse être conçue de cette façon. Mais la politique américaine veillera à s'opposer à des actions chinoises provocatrices et dangereuses. Et ça reviendra au même. Vous n'allez pas dire que « La politique américaine consiste à provoquer la chute du Parti communiste chinois ». La politique américaine consiste en revanche à protéger les entreprises américaines, ses amis et les alliés américains. Et pour la mise en œuvre de telles politiques, nous ferons ce qui entrainera la fin du parti communiste. Il n’est dès lors nul besoin d’une politique qui affirme que « Nous voulons vaincre le communisme» pour en venir effectivement à bout. Il suffit de faire ce qui aura le même effet. Le système communiste est fragile à mes yeux. C’est pourquoi même de petites choses peuvent produire des effets véritablement disproportionnés sur le système politique chinois.
Source : http://eng.the-liberty.com/2018/7064/